John Howard Society of Sudbury

Journée de la justice pour les prisonniers

 

Elder Winnie Pitawanakwat opened and closed the ceremony in a good way with smudging and the singing of both a welcome and travelling song.            From left to right: Elder Winnie Pitawanakwat sits next to Sara Jane Berghammer (centre), CEO of John Howard Society of Sudbury and at right, Cory Roslyn of the Elizabeth Fry Society of Northeastern Ontario at the Prisoners’ Justice day event Aug. 10. 

Kaela Pelland of the Réseau ACCESS Network speaks at the Prisoners’ Justice day event Aug. 10.           Sue Tassé of the Canadian MEntal Health Association at the Prisoners’ Justice day event Aug. 10.

La commémoration pour 2023 a eu lieu le 10 août à 10 h 00 sur le terrain de la prison de Sudbury.  Ce fut une commémoration exceptionnellement émouvante et réfléchie.  Un grand merci à tous ceux qui y ont assisté.

Le document qui suit a été publié en 2001 par le Vancouver Prison Justice Day Committee. Cette histoire ne relate pas tous les problèmes et toutes les luttes auxquels sont actuellement confrontés les prisonniers au Canada, et ne peut évoquer les luttes du passé ou les nombreux évènements organisés dans le cadre de la Journée de la justice pour les prisonniers, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des murs de prisons. Notre objectif consistait à reconstituer le climat de lutte et d’oppression qui régnait au sein du système carcéral à l’aube des années 1970 et jusqu’à la tenue de la première Journée nationale de la justice pour les prisonniers.

Partout où vous trouverez les chaînes de l’oppression, vous trouverez également l’esprit de la résistance. De nombreux prisonniers étaient et demeurent actifs dans la lutte pour les droits des prisonniers, depuis l’intérieur des murs. Par respect pour ces prisonniers, nous avons choisi de raconter leur histoire sans les nommer personnellement, sauf dans les cas d’Eddie Nalon, Bobby Landers, Jack McNeil, Howard Brown, Jack McCann, Leonard Peltier et de Dino et Gary Butler. Comme en témoigne l’histoire de ce mouvement, toutes les luttes de prisonniers, qu’elles soient pacifiques ou non, risquent d’entraîner de graves représailles de la part de l’administration pénitentiaire. La documentation de cette histoire provient de nombreuses sources, notamment de notre propre implication depuis l’extérieur des murs, ainsi que de l’expérience de militants luttant pour les droits des prisonniers. Plusieurs luttes décrites ici ont été fort bien documentées dans de nombreux ouvrages portant sur les prisons canadiennes.

Nous aimerions remercier toutes les personnes qui ont contribué à cette cause, à leur façon et au cours des trente-quatre dernières années, notamment les nombreux prisonniers qui ont accepté de partager leur histoire et leurs luttes avec nous.

La mort d’Edward Nalon

Le 10 août 1974, le prisonnier Eddie Nalon mourut de ses blessures dans l’unité d’isolement de l’établissement à sécurité maximale de Millhaven, situé à Bath, en Ontario.

Eddie purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité et avait été placé en isolement, puis transféré à maintes reprises depuis le début de sa peine. Un habitué de la procédure carcérale, il connaissant les rouages du Comité de réexamen des cas d’isolement. Eddie s’enleva la vie, tôt le matin du 19 août. Or, les faits démontrent clairement que l’auteur de ce geste était plutôt le système carcéral et ses administrateurs indifférents.

En juin de la même année, Eddie fut placé parmi la population carcérale générale, dans l’une des unités résidentielles de travail de la prison. Il voulut alors être transféré de cette unité à l’une des unités sans travail. Les gardes lui expliquèrent que le seul moyen d’obtenir ce transfert était de refuser de travailler, ce qui le motiva à signer un formulaire indiquant son refus de travailler, dans l’espoir d’être transféré. Il fut plutôt emmené en isolement le 7 juin, en attente d’une audience pour l’infraction disciplinaire d’avoir refusé de travailler. Le 14 juin, son procès fut entendu devant le tribunal du directeur et il reçut la peine maximale pour une personne condamnée à perpétuité, soit 30 jours en isolement cellulaire (le trou) avec un régime alimentaire réduit. Vers le 14 juillet, il fut libéré du trou et renvoyé en isolement. Le 24 juillet, le Comité de réexamen des cas d’isolement traita le dossier d’Eddie et recommanda qu’il soit laissé en isolement, ajoutant que s’il souhaitait être libéré de l’isolement, il devait en faire la demande. Le 18 juillet, Eddie adressa une note à un agent de classement des détenus, demandant à réintégrer la population générale. Cette note fut reçue le 29 juillet. Le Comité de formation des détenus étudia son cas le 31, puis recommanda son transfert.

Les libérations de l’isolement, dans cette prison, avaient normalement lieu le vendredi.
Entre le 31 juillet et le 10 août, personne ne communiqua avec Eddie pour lui signifier que sa libération de l’isolement avait été ordonnée. En tant que prisonnier d’expérience, Eddie était conscient du fait que s’il devait être transféré de l’isolement, cela aurait lieu soit le 2 août ou le 9 août. Tôt le matin du 10 août, Eddie trancha son coude gauche, coupant toutes les veines et les artères de son bras.
Le 10 août 1975

Au premier anniversaire de la mort d’Eddie, le 10 août 1975, les prisonniers de Millhaven refusèrent de travailler, entamant une grève de la faim d’une journée et tenant un service commémoratif, en dépit de la menace d’un séjour en isolement cellulaire. Nombreux sont ceux parmi les soi-disant chefs qui, en ce jour de manifestation non violente, se retrouveraient encore en isolement l’année suivante. Note : En dépit du fait que les grèves de la faim et du travail représentent les seules possibilités de manifestation non violente pour les prisonniers, elles constituent une infraction disciplinaire aux yeux des administrateurs de prison.

La mort de Robert Landers

Le 21 mai 1976, un autre prisonnier mourut dans l’unité d’isolement de la prison de Millhaven. Bobby était très actif et un fervent défenseur des droits des prisonniers. Il avait purgé sa peine dans l’établissement à sécurité maximale d’Archambault, près de Montréal, au Québec. Il siégeait au Comité des détenus à Archambault, où les prisonniers étaient sur le point d’organiser une manifestation visant l’amélioration des conditions de vie à l’intérieur*. Bobby fut transféré, contre son gré, à la prison de Millhaven, juste avant la grève de janvier 1976, et jeté dans le trou. Le soir avant sa mort, Bobby tenta d’obtenir des soins médicaux, mais le bouton d’alarme dans sa cellule n’avait pas encore été réparé. Il voulait voir l’infirmière, qu’il pouvait entendre rire et parler aux gardiens dans le bureau, au bout du couloir. Il l’appela, comme le firent trois autres prisonniers, mais fut ignoré par l’infirmière et les gardiens. Le lendemain matin, ils le retrouvèrent mort avec, à ses côtés, une note manuscrite retrouvée sur son lit, réclamant une aide médicale et décrivant les symptômes d’un problème cardiaque. L’enquête menée sur les circonstances de son décès conclut qu’il avait succombé à une crise cardiaque. Un spécialiste du cœur confirma qu’il aurait dû être placé dans une unité de soins intensifs plutôt qu’en isolement cellulaire.

Le 10 août 1976

Des milliers de prisonniers à travers le Canada entamèrent une grève de la faim. Des Comités pour la Journée de la justice pour les prisonniers furent formés au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, en vue d’organiser des évènements communautaires visant à attirer l’attention sur les préoccupations des prisonniers.

La Journée de la justice pour les prisonniers devient la Journée internationale pour les prisonniers

En 1983, des prisonniers français refusèrent de s’alimenter, pour souligner la date du 10 août. Au cours des années 1990, des prisonniers de certaines régions de l’Allemagne, de l’Angleterre et des États-Unis participèrent à cette journée de manifestation pacifique.

 

LA JOURNÉE DE LA JUSTICE POUR LES PRISONNIERS EST…

le 10 août, jour où les prisonniers jeunèrent et refusèrent de travailler, en signe de solidarité avec ceux qui sont morts sans raison, victimes de meurtre, de suicide et de négligence ;

la journée où les organisations et les personnes participent à des vigiles, à des services religieux ainsi qu’à d’autres évènements en appui aux prisonniers ;

la journée réservée à la prise de position face au fait que les prisons comptent un taux très élevé de femmes ;

la journée qui rappelle que les prisons comptent un nombre disproportionné d’Autochtones, d’Africains-canadiens et d’autres peuples minoritaires et marginalisés en prison ;

la journée d’opposition à la violence carcérale ;

la journée pour informer le public du fait que les actes de nombreux prisonniers politiques, dans leur lutte pour la liberté, ont été criminalisés par le gouvernement. Par conséquent, il est faux de prétendre qu’il n’y a pas de prisonniers politiques en Amérique du Nord ;
la journée pour sensibiliser le public aux coûts économiques et sociaux d’un système de justice pénale punitif par vengeance. S’il doit y avoir justice sociale, elle ne surgira que suite à l’application d’un modèle de justice réparatrice reliant les personnes aux crimes et aidant les délinquants à assumer la responsabilité de leurs gestes.

La Journée de la justice pour les prisonniers est soulignée tous les ans par une association d’organisations à Sudbury.

La commémoration de 2024 sera tenue le 10 août, 10h, sur les lieux de la prison de Sudbury.